El pueblo nunca muere
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MATHIAS KNAUER
Remarques sur le film «El pueblo nunca muere» (extraits)
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Il est un fait historique et social dont il faut tenir compte: le sens de la vue domine sur celui de louïe. Pour en rendre compte, la reproduction de lexécution de luvre est interrompue par les prises de vue de scènes réelles, ainsi que par des mises au point sur des parties de lensemble vocal et instrumental qui, pour linstant, ne contribuent manifestement guère au «premier plan» audible. Ce sont, p.ex., lattente de lorchestre, au début du prologue, linsistance sur les instrumentistes, dans le «Grain de sénevé», après lentrée du soprano garçon, etc. Inversement, les prises rapprochées nous révèlent des aspects qui napparaissent que parce que lon reste longtemps sur un détail, pendant que les autre musiciens sagitent de manière apparemment asynchrone (songeons à la «gesticulation» des instrumentistes qui font le contrepoint au premier texte de Knobloch récité en solo).
2
Nous évitons tout effet purement illustratif (limage illustrant la musique ou inversement), autrement dit la simple dépendance, la conjonction ou le synchronisme des deux éléments. Bien entendu, cela nexclut pas que des images servent de «légende» ou de reflet à laspect musical, ou inversement, ni que la synchronicité soit utilisée comme procédé, aux endroits où cela a un sens.
3
A lexception des séquences V et VI le continuum spatio-temporel se constitue toujours soit dans la piste son, soit dans limage, alors que, dans celle qui nest pas concernée, la discontinuité domine.
La vision de lexécution est donnée comme à travers une succession de fenêtres qui laissent parfois passer le regard, tandis que dautres fenêtres permettent de voir les images-citations de la réalité.
4
La continuité spatio-temporelle de la situation dexécution est rompue, mais non pas celle de la logique des volumes.
Prévenons tout malentendu: lorsque lon voit lensemble vocal et instrumental, il faut que cette prise de vue soit absolument concrète, claire, logique quant aux volumes (en ce qui concerne les axes, p. ex.) et quelle ait un sens musicalement parlant, sans parler de sa signification à légard de la composition. Pas deffets impressionnistes, de travelling ni de déplacements en hauteur pour le plaisir. En revanche, cette présence concrète est parfois rompue pour y revenir plus tard. Cest donc une sorte de «off»: lorsque les images de la réalité sont visibles, le concert est «en voix off», et quand on «voit» le concert, cest le cas du monde réel.
Mise au point. Pour chacune des séquences, il faut, pour les vues du concert, une
série de mises au point bien définies,. indépendantes les unes des autres et qui
créent un contraste. Les conditions de lenregistrement documentaire de
lexécution ne permettent aux caméras quun nombre limité de points de vue
convaincants. Cela ne doit cependant pas inciter à jouer nimporte comment sur le
cadrage (à laide des objectifs zoom) depuis les points de vue possibles. Même
sil faut accepter un cadrage moins parfait, il y a lieu de préférer la mise au
point sans équivoque, aisément reconnaissable et, par là, de nature à frapper
lesprit. A lintérieur de la distance qui sépare le grand-angle du gros plan,
il faut que les degrés intermédiaires soient rares.
Sauf ceux des caméras concernant les solistes, les gros plans seront pris à part, pendant les répétitions. Pendant lexécution, les petites focales domineront: images bien définies, qui ne doivent pas être diluées en direction des grandes focales, moins plastiques.
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Un détail qui frappe demblée: toutes les fois que la caméra sattarde sur les têtes des musiciens, on se sent distrait de la musique. Limpression est que, pendant quils jouent cette musique triste et mélancolique, les musiciens pensent à la réalité de leur patrie, qui fait de brèves mais constantes apparitions dans les scènes de vie réelle, en noir-et-blanc.
Si, en revanche, la caméra repose sur les instruments, la guitare ou le bandonéon, la musique pense à la réalité quelle déplore. Cela est intéressant, riche de sens, profond, leffet précédent, lui, est banal et gratuit.
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Une image trop attendue (cliché) ne paraîtra jamais juste,
même si elle lest. (R. Bresson, Notes..., p. 33)
La question qui importe est moins celle à laquelle on songe tout de suite: celle de savoir si lon doit ou non atterrir dans les basses zones des clichés, des «images de marque», quand on pratique le procédé choisi. Loin de là, tout dépend de la question du «comment»: comment ces images fonctionnent concrète - ment dans le contexte, sans faire leffet de clichés (par redoublement, sans rien ajouter), et ce quil sagisse des vues de la réalité ou de celles du concert.
Ce qui importe, en définitive, cest la vraisemblance de leur apparition, la manière dont elles jouent avec les vraisemblances intériorisées de lobservateur. Et, bien entendu, cest aussi laltitude qui se manifeste par la nature de leur insertion. Par exemple, cest la différence qui est une différence du tout au tout, à savoir si elles se présentent avec réserve ou avec une évidence insolente, si elles veulent être graine, germe ou présence totale.
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Lil sollicité seul rend loreille impatiente, loreille sollicitée seule rend lil impatient.
Utiliser ces impatiences. Puissance du cinématographe, qui sadresse à deux sens de façon réglable. (p. 62)
Moins il y a dinformation par limage (selon la théorie mathématique de linformation, il ne sagit donc pas là du sens), mieux la piste sonore est perçue.
De même que, la nuit, on entend dans la forêt des bruits que lon nentend pas le jour, parce quon est étourdi par ce que lon voit, par la profondeur de lespace et la plasticité des phénomènes visibles, de même, au cinéma, les images sombres excitent louïe. Ce que lon ne voit pas parce que des ombres occupent lécran, mais que lon devine simplement, on voudrait le savoir par loreille.
Là où il y a danger, louïe est tendue au maximum: dans les films, le noir abstrait de lécran produit un choc.